
Invité de la conférence “Les experts dans la démocratie”, l’immunologiste Jean-François Delfraissy est revenu sur son expérience de président du Conseil scientifique pendant la crise sanitaire. Il a évoqué ses liens avec le gouvernement, l’indépendance des médecins et sa relation avec la presse.
Humilité, transparence et indépendance. Telles sont les qualités d’un⸱e bon⸱ne expert⸱e selon Jean-François Delfraissy. Et d’autant plus lorsqu’il s’agit de collaborer avec les politiques. “Les deux mondes doivent se parler pour être efficaces”, affirme l’immunologiste. Lors de sa présidence au sein du Conseil scientifique, le médecin a constaté “une méconnaissance totale des domaines médicaux et climatiques” de la part des dirigeant⸱e⸱s, ajoutant que “la France est dirigée par 500 décideurs qui ont presque tous fait l’ENA, et ont arrêté les sciences dures depuis le lycée”. Pour pallier cette défaillance, le Conseil a dispensé en urgence “une formation sur les aspects scientifiques aux grands corps de l’État ”.
Malgré ces lacunes, il a tenu à souligner “les bonnes conditions” dans lesquelles “les relations sciences et politiques” se sont déroulées. Il s’est félicité de la mise en place du passe sanitaire, proposée par le Conseil Scientifique, ainsi que du faible taux de surmortalité en France en comparaison avec d’autres pays comme les États-Unis ou le Brésil. “Le climat était à l’explication”, se rappelle-t-il lorsqu’il évoque ses liens avec Emmanuel Macron, qu’il a qualifié de “très indépendant” dans sa prise de décision.
« On n’a pas touché un rond »
S’il tire un bilan positif de cette collaboration, l’immunologiste a rappelé l’indépendance totale des médecins vis-à-vis du politique. “Il n’y a pas plus indépendant qu’un médecin ou un chercheur français”. Pour preuve : après 300 réunions du Conseil scientifique pendant la période Covid et plus de 90 travaux produits, “on n’a pas touché un rond, c’est la connerie de ma vie”, a-t-il plaisanté. Avant de poursuivre : “En France, il existe encore des gens qui ont le goût de la fonction publique et du bien commun”. Il a également mentionné que les réseaux sociaux et les médias avaient beaucoup cherché ses liens avec l’industrie pharmaceutique. “Mes liens avec eux, c’est 170 euros sur 10 ans”, a-t-il assuré.
Le médecin adopte par ailleurs “une position assez critique” à l’égard de la presse. Notamment vis-à-vis des chaînes d’info en continu qui ont “poussé l’expertise dans le débat et en ont fait un sujet de dispute”. En réaction à la “débâcle médiatique”, le Conseil a dispensé cinq journées de formation aux enjeux médicaux à des journalistes.
Mara Noury et Juliette Pommier
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