
Deux ans et demi après l’arrivée du Covid-19 en France, il est encore difficile d’évaluer l’ampleur des dégâts, particulièrement en matière de santé mentale. Ce mercredi, les spécialistes réuni⸱e⸱s pour la conférence « La santé mentale : une priorité après la crise sanitaire » ont établi un bilan chiffré sur l’état de nos compatriotes en détresse psychologique.
Malgré la nette décrue de la pandémie, les impacts psychologiques, eux, se font toujours sentir fortement et le vaccin _ même à trois ou quatre doses _ n’a aucune efficacité sur la santé mentale des Français⸱es. Un constat s’impose : les mesures sanitaires drastiques combinées à l’incertitude et l’angoisse de la contamination ont durablement impacté le moral des citoyen⸱ne⸱s.
Pour analyser l’évolution de leur état psychologique depuis 2020, Anthony Lepinteur, chercheur au département des sciences cognitives et comportementales à l’Université du Luxembourg, a pris part au projet Pandemic. Il s’agit d’une collaboration interdisciplinaire entre économistes et psychologues sur les changements de vie pendant la pandémie. L’enquête, réalisée auprès de 8 500 Européen⸱ne⸱s, révèle que 80% de la population a souffert de stress pendant celle-ci. Et selon l’OCDE, en France en 2021, 26,7% de la population souffrait de troubles anxieux, contre 13,5% avant la pandémie. « Il y a eu un en effet « double lame » : la santé mentale a souffert, à contribution égale, de la peur de la maladie et des confinements successifs » a expliqué le chercheur. À titre de comparaison : « Mentalement, pour un individu, un confinement a un impact comparable à une perte de 10 à 25% de son revenu ! »
« C’est maintenant que les conséquences se font ressentir«
Tout le monde n’est pas affecté de la même manière. « Nos chiffres montrent que les effets des confinements sur la santé mentale sont plus forts pour les femmes, les jeunes et les populations les plus pauvres » confirme Anthony Lepinteur. Il note toutefois une « légère amélioration » récente des chiffres en comparaison avec les premiers mois de la pandémie, mais bien insuffisante pour un retour au statu quo.
Alexandra Caringi, directrice action sociale santé-prévoyance chez Apicil, confirme : « On remarque que les jeunes sont davantage touchés par les arrêts de travail pour des raisons psychologiques. Et ils sont nombreux à demander à être suivis par des professionnels. » Elle a également tenu à souligner le cas des métiers à forte pénibilité, notamment les soignant⸱e⸱s. « Il y a le contrecoup chez les populations qui ont dû tenir le choc : c’est maintenant que les conséquences se font ressentir. »
Pour répondre à la situation, la directrice recommande aux employeur⸱se⸱s et assureur⸱se⸱s d’investir dans la prévention : « Plus on parle de ses difficultés au travail, plus on est susceptible d’en parler à un médecin. Il faut favoriser le circuit de prise de parole dans l’entreprise.« . Et Fabrice Martin, économiste à l’OCDE, de confirmer : « La qualité des interactions sociales est un déterminant puissant de la santé mentale. »
Mara Noury