
Alors que la guerre en Ukraine et les tensions diplomatiques à travers le monde perturbent l’économie mondiale, quel est l’impact sur l’Union européenne ? Les Jéco se sont penchées sur « la fragmentation du monde » ce jeudi, lors d’une conférence au centre culturel Saint-Marc de Lyon.
« S’il y a une région économique qui va particulièrement souffrir de la fragmentation du monde, c’est bien l’Europe ». Elie Cohen, directeur de recherche au CNRS, plante le décor : les tensions internationales actuelles pourraient drastiquement affecter l’Union européenne.
Au cœur de la situation, la question de l’autonomie, mise en lumière par la hausse des prix de l’énergie, directement liée à la guerre en Ukraine. « L’Europe s’est saisie du problème de la dépendance et a fait l’inventaire », promet Elie Cohen.
De cet inventaire est né un programme en trois points pour répondre au problème de la dépendance, continue le spécialiste : « Diversifier les approvisionnements par pays, constituer des stocks en Europe et relocaliser une série de productions ». Exemple de ce dernier objectif, l’Europe a relancé sur son sol la production de principes actifs nécessaires au paracétamol, après avoir constaté que 60 % du médicament était produit en Chine.
« L’Europe commence à penser à l’autonomie stratégique et à la souveraineté, mais comme c’est contraire à son ADN, il faut qu’elle fasse un effort violent », continue Elie Cohen, qui promet que « l’Europe ne respire pas bien dans un monde en fragmentation ».
« La Russie est très dépendante des technologies occidentales »
Preuve de ces difficultés, l’agression russe en Ukraine a chamboulé l’approvisionnement en gaz et en pétrole de nombreux pays européens. Mais pour les Russes, ce regain de tension avec l’UE est également compromettant, au-delà des sanctions économiques. « La Russie est très dépendante des technologies occidentales pour l’avenir de son industrie pétrolière », analyse Mathilde Maurel, directrice de recherche au CNRS et au centre d’économie de la Sorbonne Université Paris 1.
La guerre a entraîné selon elle « un départ de la présence occidentale en Russie » sur le long terme. « En trois mois, la Russie a réussi à détruire complètement ce qu’elle avait réussi à mettre en place depuis 30 ans », ajoute la chercheuse. Mais attention, les sanctions prises à l’encontre des Russes par les Occidentaux réservent également des conséquences négatives pour l’UE et ses allié⸱e⸱s. « L’augmentation des mesures de restrictions commerciales est très fortement corrélée à l’augmentation du prix du blé« , rappelle Mathilde Maurel.
Alors la « fragmentation du monde » et l’isolation de la Russie rebattent les cartes de la diplomatie mondiale, mais aussi de l’économie globalisée. « Les principaux acteurs avec lesquels les Européens vont devoir faire affaire sont la Chine, l’Inde et les États-Unis », promet la chercheuse. Reste à attendre l’évolution des conflits, qui, quoi qu’il arrive, ne manqueront pas d’impacter l’économie mondiale.
Edgar Groleau