Neutralité carbone en 2050 : « il faut produire plus d’électricité »

Alors que l'urgence climatique n'est plus à prouver, "La France paye des amendes et n’atteint pas ses objectifs", fait remarquer le député européen Pascal Canfin. (TebNad/ Shutterstock)

Comment atteindre les ambitieux objectifs européens de neutralité carbone ? En réduisant drastiquement notre consommation d’énergie et en accélérant dans l’électrification et la décarbonation. Des solutions qui ont fait consensus chez les expertes qui ont pris la parole lors de la conférence des Jéco « la stratégie énergétique pour la France ».

Le 5 novembre dernier, le Sénat a adopté la loi sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Quelques jours plus tôt, Emmanuel Macron annonçait un projet de loi pour accélérer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Le sujet de la neutralité carbone est clairement au cœur des préoccupations politiques actuelles. Et au centre du débat qui s’est tenu le mercredi 16 novembre à l’UCLy à Lyon dans le cadre des Journées de l’économie, sur le thème, « Quelle stratégie énergétique pour la France ? »

Les intervenantes n’ont cessé de le répéter, nos objectifs restent d’atteindre la neutralité carbone en 2050 et d’avoir réduit nos émissions de 55 % en 2030. Alors où en est-on ? Le président de RTE, Xavier Piechaczyk, le rappelle, « La consommation finale en France est composée à 63 % d’énergie fossile, issue de pétrole et de gaz naturel. On reste un pays très fossile. » Et la guerre en Ukraine marque un ralentissement dans la progression du pays vers la neutralité carbone. C’est le constat du député européen Pascal Canfin, président de la commission de l’environnement au parlement, « On commençait à voir un renchérissement du charbon grâce à l’augmentation du prix de la tonne de CO2 sur le marché du carbone européen. » Les entreprises doivent en effet payer pour compenser leur émission de CO2. « Avec la guerre en Ukraine, le charbon est redevenu intéressant », déplore-t-il. Et cela s’explique par l’augmentation du prix des autres énergies.

« Une baisse colossale de la consommation d’énergie »

Mais Khaterine Schubert, membre du Haut conseil pour le climat tempère, « En toute logique si on rouvre les centrales à charbon existantes, les émissions seront les mêmes, seulement il faudra consommer moins ailleurs. » Pour comprendre son analyse, il faut se pencher sur le fonctionnement du marché du carbone. Pour faire simple, les entreprises qui émettent le plus de CO2 peuvent acheter des droits à polluer à des entreprises qui en émettent moins que le quota qui leur a été alloué.

Mais pour arriver à atteindre les objectifs européens, les défis sont de taille. La réduction de la consommation est incontournable. Katheline Schubert le certifie « Tous les scénarios pour atteindre la neutralité carbone, et ce peu importe l’organisme qui a produit l’étude, tous comprennent une baisse colossale de la consommation d’énergie. » Et la solution ne réside pas dans une future technologie qui résoudrait tout. Xavier Piechaczyk le martèle, « 2050, c’est demain matin donc il faut utiliser les technologies que l’on a à disposition aujourd’hui. » Alors pour parvenir au Zéro émission nette (ZEN) en 2050, le président de RTE affirme connaître la formule : « Pour y arriver : il faut une économie d’énergie, de l’électrification et de la décarbonation. » Comment y arriver ? Dans les six scénarios élaborés par RTE, les énergies renouvelables sont indispensables. « On en est très loin, très loin, très loin. Il faut qu’on se secoue pour l’atteindre », s’inquiète le président. L’enjeu du renouvelable reste le stockage de l’électricité produite puisque le vent ne souffle pas en continu et le soleil n’est pas toujours au rendez-vous.

« En Europe, un alignement de nos valeurs et de nos intérêts »

Trois des six scénarios proposent une sortie du nucléaire pour 2050 ou 2060. Le député reconnaît « Il y a un point d’accord européen qui consiste à dire que le nucléaire n’est pas vert à cause des déchets et des risques mais il est utile à la transition car décarboné. » Et cette électricité va être essentielle car, pour le président de RTE, « la décarbonation conduit dans tous les scénarios on consomme plus d’électricité demain qu’aujourd’hui. Il faut qu’on produise plus d’électricité. »

Les solutions sont donc là pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Encore faut-il que les changements nécessaires soient acceptés et réalisés par l’État, les entreprises et la population. Sachant que pour le président de RTE, « La neutralité carbone nous fait gagner en souveraineté », avec la construction des réacteurs nucléaires et des énergies renouvelables en France. Mais le député Pascal Canfin l’assure, « Pour nous, Européens, il y a un alignement de nos valeurs et de nos intérêts. »

Adèle Marchais