Transition écologique : une acceptation de l’action publique sous conditions

Taxe carbone, zones à faibles émissions, construction d’éoliennes… En matière de réduction des émissions de CO2, les récentes contestations de la population désarçonnent les décideur⸱se⸱s publicque⸱s. Quels sont les ressorts de l’adhésion ou de rejet des citoyens vis-à-vis des politiques climatiques ?

En France, la dénonciation de l’empreinte carbone des jets privés a pris une ampleur inédite. Si ces derniers ne représentent que 0,168% des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale, la question de leur interdiction s’érige désormais comme un symbole. A l’heure des injonctions à la sobriété, les pratiques polluantes des plus riches sont perçues comme une provocation. Comment construire les politiques publiques qui répondent à la demande sociale ? Et comment les faire accepter comme telles lors de leur déploiement ? C’est le cœur du débat qui s’est tenu le jeudi à la Bourse du Travail à Lyon dans le cadre des Journées de l’économie, sur le thème « Mieux mener les changements sociétaux ».

« Les mesures proposées sont vues comme régressives »

Conduite auprès d’un panel de 40 000 individues issues de 21 pays représentant 72% des émissions mondiales de CO2, une enquête menée en 2021 par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) détaille les attitudes vis-à-vis des politiques climatiques. Partie prenante de cette étude, Stefanie Stantcheva explique : « Une majorité écrasante de la population comprend que le danger est bien présent. Néanmoins, les modes de vie et les facteurs socio-économiques déterminent l’adhésion ou non à une politique climatique. »

Moins consommer de viande, limiter l’usage du chauffage ou d’un véhicule… Avec les incitations actuelles, relativement peu de personnes seraient prêtes à changer drastiquement leurs habitudes. « Les mesures proposées sont vues comme régressives, impactant principalement les personnes à bas revenus et les classes moyennes, créant ainsi un sentiment d’injustice contre-productif« , explique-t-elle. Un sentiment d’injustice qui ne pousse pas les citoyennes à soutenir l’action publique.

La solution ? « Une vision claire sur l’efficacité environnementale des politiques menées, une équité sociale concernant leur impact et que cela ne nuise pas considérablement à l’économie des ménages« , estime Stefanie Stantcheva.

« La confiance est au cœur de l’acceptabilité »

« Le rejet des politiques s’explique par la défiance des citoyens en leurs institutions. » Yann Algan, professeur d’économie à HEC, plaide lui pour la coopération des populations. « Comment s’engager dans des politiques universalistes si vous pensez que les autres ne respecteront pas les règles ? La confiance est au cœur de l’acceptabilité« , affirme-t-il. L’intervenant s’inquiète de la solitude générée par une société post-moderne qui n’offrirait aucune perspective de destin collectif. Au centre de cette nécessité de collaboration, l’école devrait avoir une place de choix. « Il faut créer des plateformes communes. L’éducation en est une« , soutient Yann Algan.

Pour ce qui est d’une entente internationale en matière de politiques de lutte contre le réchauffement climatique, Stefanie Stantcheva est pragmatique : « La coopération globale est difficile car les actions des pays ont des externalités positives ou négatives sur les autres. Il y a également des soucis d’équité entre les pays. Les plus riches doivent être conscients que les pays les moins riches n’ont pas eu l’opportunité de se développer en polluant. Il faut donc qu’on aide ces pays à se développer et à faire leur transition verte. »

Inès Zeghloul