Aux Bains-douches Petitot, « heureusement qu’ils ne coupent pas l’énergie »

Le hall des Bains-douches Petitot, du 19e arrondissement. (crédits : Joséphine Bottiglione/IPJ)

Les Bains-douches Petitot accueillent chaque jour plusieurs centaines d’usagers. Sur place, les plus démunis peuvent se laver dans les 24 cabines de douche mises à leur disposition.

C’est la fin du marché, place des Fêtes. Des mouettes s’attroupent le long du caniveau, cherchant à se mettre quelque chose sous le bec. À quelques pas de là, l’eau ne s’arrête pas de couler. Adam est assis sur un banc du hall des Bains-douches Petitot, en attendant un ami. Originaire du Soudan, il est arrivé en France en 2018 : « Je vis dans un squat à Bobigny et je viens me laver ici tous les jours. » Sur place, 24 cabines de douche individuelles accueillent gratuitement les usagers qui n’ont pas d’autre moyen pour se laver. Lavabos, miroirs, et sèche-cheveux muraux servent chaque jour à plusieurs centaines de personnes pour un moment d’intimité. 

«L’hiver, c’est plus difficile avec l’humidité»

Inaugurés à la fin du XIXe siècle à Paris, les bains-douches profitaient historiquement aux Parisiens n’ayant pas de salle d’eau dans leur logement. Aujourd’hui, les 17 établissements encore ouverts profitent pour l’essentiel à des sans domicile fixe. Sunday, 58 ans, vient de terminer sa journée de travail. « Je suis homme de ménage, mais j’ai perdu mon logement il y a quatre ans, et depuis je dors dans la rue », raconte-t-il en s’appliquant une épaisse couche de vaseline sur les pieds.

À ses côtés, Hayatkhan, 25 ans, enfile ses claquettes. Il connait bien le quartier et dort dans un parc du 19e, avec plusieurs amis : « La police nous autorise à installer nos tentes la nuit, mais on doit les retirer la journée. » En France depuis près de 2 ans, il a quitté l’Afghanistan peu avant la chute de Kaboul. « C’était trop risqué pour ma vie, beaucoup de gens sont morts là-bas ». En journée, il se rend parfois dans la bibliothèque du quartier pour se tenir au chaud. « Mais j’ai honte de m’assoir à côté des gens, car mes vêtements sont sales », confie-t-il. Quand il va aux bains-douches, il en profite pour rincer ses vêtements. « L’hiver, c’est plus difficile avec l’humidité, on ne peut même pas les faire sécher au soleil. » De la buée envahit le hall. « Heureusement qu’ils ne coupent pas l’énergie ici », souffle-t-il en rigolant. 

Compagnons de galère

Au creux de l’après-midi, Mohamed, 32 ans, attend patiemment son tour. Couvert d’un grand K-way, il enlève son bonnet. Lui aussi a l’habitude de venir aux Bains-douches Petitot : « Mais je préfère ceux d’Oberkampf car il y a aussi des machines à laver ». Mécanicien de formation, il travaille parfois sur les marchés. La nuit, il trouve des compagnons de galère « pour ne pas dormir seul ». Deux agents de nettoyage rincent les douches après chaque passage avec un grand jet d’eau. Bleu de travail et bottes en caoutchouc aux pieds, ils ressemblent à des marins. L’un d’eux toque à la porte d’une cabine : « Il y a quelqu’un ? » Un homme sort en grommelant.

Cette après-midi-là, elles ne sont que trois femmes à avoir franchi le pas des douches municipales. Sarah, 31 ans, entre au bras de sa mère Kally. « Je n’ai jamais eu de problème ici, le personnel est gentil. Mais je ne traîne pas trop, je vais me laver direct. On ne sait jamais sur qui on peut tomber. » Depuis quatre ans, elle travaille de temps en temps, grâce à des annonces postées sur Internet. La nuit, elle dort dans sa voiture. « Et parfois je trouve des cabanons, quand je m’éloigne un peu de Paris », précise-t-elle. Les cheveux encore mouillés, elle s’emmitoufle dans une grosse écharpe. Derrière les grandes vitres dépolies, des bruits de mouettes résonnent. Le lendemain, il doit neiger. L’hiver va bientôt commencer. 

Joséphine Bottiglione

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