
Depuis trois ans, la classe de maternelle de l’école Émile Bollaert se rend tous les jeudis dans le square Claude Bernard situé à proximité. Les enfants sont guidés par Alexandre Ribeaud, professeur et pionnier de « l’école dehors » en France.
Les températures négatives n’arrêtent pas les enfants de petite et moyenne sections de l’école Émile Bollaert, située dans le 19e arrondissement de Paris, en ce jeudi 15 décembre. À peine arrivés dans le square adjacent à l’école, le rituel hebdomadaire de la « classe dehors » commence. Les écoliers secouent et étendent la bâche sur l’herbe, s’installent en rond, et place à la chanson ! Leur enseignant Alexandre Ribeaud les accompagne à la guitare.
Dans le square Claude Bernard tapissé des feuilles mortes de l’automne, les enfants tout emmitouflés s’approprient progressivement les lieux. Une manière pour Alexandre Ribeaud de les faire se rapprocher de la nature, car « que ce soit à la ville ou à la campagne, les enfants perdent de plus en plus le lien avec la nature ». Il espère ainsi faire naître chez ces enfants une appétence pour les espaces verts.
Un désir de faire évoluer le modèle éducatif
« On a été la première école en France à mettre en place la classe dehors », explique Concilia Annerose, agente territoriale spécialisée des écoles maternelles (Atsem). En 2019, Alexandre Ribeaud, alors professeur des écoles depuis près de dix ans, se lance le défi d’organiser des classes dehors tous les jeudis matin. À la lecture du livre L’enfant dans la nature de la journaliste Moïna Fauchier Delavigne, c’est le déclic. L’ouvrage vante les mérites de ce système éducatif plus proche de la nature.
À la différence des classes vertes, le lieu n’est qu’un prétexte pour développer la créativité des écoliers. « Tout repose sur le jeu libre. Les enfants inventent leurs propres jeux, ils créent, ils se rassemblent », précise Alexandre Ribeaud. Le jeu est selon lui un moyen de lutter contre « la sédentarité des enfants » et contre les troubles associés comme l’obésité et le diabète. Depuis qu’il a débuté ce projet, il observe également une amélioration des capacités de langage des enfants et de leur capacité de concentration, tout cela grâce à leur exploration de la nature.
Les enfants donnent des leçons aux adultes
Razane, élève plutôt discrète en classe, ne cache pas sa joie : « J’adore la classe dehors le jeudi, on peut monter dans les arbres », explique-t-elle avant de repartir en courant.
« Les classes dehors me permettent de redécouvrir mes élèves, de connaître leurs envies, leurs besoins », constate le professeur. L’école dehors permet à des enfants avec des profils plus silencieux de se libérer. Le professeur apprend à rester passif afin de ne pas influer sur l’imaginaire que ses élèves développent dans leur aire de jeux naturelle.
Un bien-être communicatif. « Ça me permet de me sentir mieux dans ma journée de travail, de mieux m’occuper des enfants », confie Concilia Annerose. Atsem depuis des années, elle a appris à travailler différemment lors des classes dehors : « Il faut savoir lâcher prise, les laisser faire. »
Les principales appréhensions face au projet proviennent des parents. « Il y a un temps d’adaptation pour les parents, qui ont tendance à avoir peur de confronter leurs enfants au monde extérieur », affirme Alexandre Ribeaud. Mais le professeur en est persuadé, le projet de classe dehors est extrêmement bénéfique pour le développement des enfants.
Cette année, il publie Faire classe dehors, adaptation française du livre Trésors du dehors du collectif belge Tous dehors. Dans l’idée de rapprocher plus encore les élèves de la nature, il fait germer l’idée d’une « forest school » dans Paris.
Lucie Raynaud
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