« Tous les enfants autistes doivent aller à l’école, en milieu ordinaire »

Stéphane Benhamou a fondé l'association "Le Silence des Justes" en 1996, dans le 19e arrondissement de Paris. i24NEWS

L’association Le Silence des justes accompagne les personnes autistes. Stéphane Benhmaou, son président, estime que l’inclusion constitue la meilleure réponse à ce handicap. Interview.

« Une vie normale pour eux aussi », c’est votre slogan. Comment les autistes peuvent-ils accéder à cette vie-là ?

L’idée, c’est de ne pas construire la vie des autistes à leur place. Ils ne choisissent jamais leur vie. L’association a décidé de leur laisser la liberté de sélectionner les activités, les loisirs et les plaisirs qui leur conviennent. Choisir, c’est un droit fondamental. Nous devons répondre à leurs besoins. L’association compte 400 salariés, une délégation de soins publics et 19 lieux de vie. Quand ils sortent de chez nous, ils n’ont plus de trouble du comportement. Ils ont confiance en eux et n’ont plus peur. Notre objectif, c’est simplement de les rendre autonomes et heureux.

Comment réussir l’inclusion des jeunes autistes dans les écoles ? 

Il faut apprendre aux enfants neurotypiques [qui n’ont pas de pathologie] ce qu’est l’autisme. Un enfant de trois ans peut être un acteur formidable pour l’inclusion d’un autiste. C’est à la société civile de faire des efforts. Ce qui peut être difficile à accepter et frustrant, c’est que l’enfant autiste reste souvent muet devant les autres. Il faut expliquer que ce n’est pas un manque de volonté mais une autre façon de réagir. Tous les enfants autistes doivent aller à l’école, en milieu ordinaire. Quand des dispositifs spécialisés existent, l’inclusion fonctionne.

Les écoles sont-elles prêtes à accueillir ces enfants ?

L’inclusion scolaire, ça se prépare. Il ne suffit pas de mettre une assistante de vie scolaire à côté d’un enfant pour qu’il suive les cours normalement. Il faut lui apprendre à lire, écrire, compter comme tout le monde mais en s’adaptant à ses besoins. Il faut installer des dispositifs psycho-éducatifs partout. Même s’ils sont très doués, les jeunes autistes ont besoin d’un accompagnement très spécifique. Quand ils ne sont pas aidés, ils peuvent développer des troubles, qui les font souffrir et qui provoquent des situations parfois ingérables pour une classe.

Après l’école vient la vie d’adulte. Les entreprises recrutent-elles des personnes autistes ?

C’est un gros chantier. Dans l’entreprise, l’humain doit être au centre de tout. Il faut parler aux entreprises et expliquer aux équipes comment les intégrer. Personne ne parie sur les autistes, mais les choses évoluent doucement. Le groupe Accor va embaucher un premier employé autiste. C’est une bonne chose. Les retours sont très bons, même si c’était laborieux au départ. Les premiers contrats étaient des échecs. Les grands groupes fournissent des efforts en matière d’inclusion, car ils y trouvent leur compte. 100.000 autistes vont arriver sur le marché du travail. C’est énorme. Ce qui marche le mieux, c’est le travail autour de la nature, de la biodiversité et des espaces verts. Les autistes arrivent à décrypter tous les environnements, sauf l’environnement humain, qui leur semble très complexe. Ils comprennent bien le langage informatique, la programmation, le codage. Ils ont des capacités intellectuelles extraordinaires. 

Comment l’association a-t-elle vécu la pandémie ?

Le soir où est intervenu Emmanuel Macron pour annoncer le confinement, je tenais une réunion d’urgence avec tous les médecins et le staff de l’association. C’était l’alerte rouge. Les personnes autistes avaient besoin de souffler, de trouver un temps de répit. Pendant la crise, nous avons eu 320 demandes de séjours en quelques jours. Nous avons formé plus de 300 éducateurs et animateurs dans l’urgence, des étudiants pour la plupart. Plus de 20 % d’entre eux ont poursuivi des études en rapport avec l’éducation spécialisée. Cette période a créé une vocation. Le Covid nous a appris que nous pouvions compter sur l’autre.

Propos recueillis par Clément Viron

Pratique : Association « Le Silence des Justes », 18, Rue Goubet, 75019, Paris.

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