UKRAINE : l’armement et les stocks de munitions au cœur de la guerre de communication

Après plus de neuf mois de conflit, la Russie doit utiliser des munitions plus anciennes, datant de la période soviétique.

Alors que la Russie assure développer des armes puissantes, les Etats-Unis affirment le contraire. Les stocks russes s’amenuiseraient à vue d’œil. Au sujet de l’armement, les deux puissances mondiales s’écharpent dans des déclarations interposées.

La guerre d’information continue entre la Russie et les Etats-Unis. Ce dimanche, Dmitri Medvedev, l’ex-président russe et actuel numéro 2 du Conseil de sécurité, affirmait sur Telegram que Moscou était en train de fabriquer des moyens de destruction puissants basés “sur de nouveaux principes”. Mais le lendemain, un haut responsable militaire américain, sous couvert d’anonymat, a déclaré que la Russie utilisait des bombes périmées, ses stocks de munitions s’amenuisant. Qui ment ? Qui dit vrai ? Qui croire ?

“Dans la guerre d’information, ce qui compte c’est la légitimité, pas la véracité”, martèle Stéphanie Lamy, spécialiste des stratégies de désinformation. D’un côté, il y a Dmitri Medvedev, “propagandier russe”. Depuis l’invasion de l’Ukraine en février, “il a pris des positions très extrêmes”, relate l’analyste. Cette posture permet aux figures plus officielles de “s’insérer dans un discours, toujours extrême, mais paraissant plus modéré”.

Ex-président russe de 2008 à 2012, Dmitri Medvedev est aujourd’hui le vice-président du Conseil de sécurité. Crédit : Wikimedia Commons.

De l’autre, le Pentagone préfère l’anonymat. Une pratique américaine “assez courante”, qui s’est amplifiée sous Donald Trump, et permet de pouvoir “nier en cas d’erreur”, développe Stéphanie Lamy. “Si quelqu’un a décidé d’émettre un message anonyme, c’est une décision consciente : un message doit être passé.” Pour l’expert en armement caché derrière le compte Twitter @CalibraObscura, ce que déclare le Pentagone est “crédible”. Engagée depuis maintenant neuf mois dans le conflit, la Russie a utilisé “énormément de roquettes, missiles, bombes…” Elle doit maintenant “puiser dans des stocks d’armes plus anciennes”

Du matériel de l’époque soviétique

Le 23 novembre dernier déjà, Lloyd Austin, le ministre américain de la Défense, déclarait : « Les Russes ont des problèmes logistiques depuis le tout début (…) Ils souffrent d’une pénurie significative de missiles d’artillerie. » D’après le chef du Pentagone, cette disette s’explique par le sabotage des stocks de munitions russes par l’Ukraine. D’après la cellule enquête vidéo du Monde, l’armée ukrainienne a frappé au moins 52 dépôts de munitions russes depuis la fin de mars 2022. Au total, il existerait entre 100 et 200 dépôts russes sur le front ukrainien. 

Pour @CalibraObscura, Kiev utiliserait également des armes anciennes, héritées de l’époque soviétique. Par exemple, “leur missile balistique Totchka-U ont souffert de problèmes de fiabilité à cause de leur âge”. L’usage de ce genre d’équipement expose à plusieurs risques : les fusibles peuvent être endommagés et provoquer des incendies, les obus peuvent même exploser en cours de réparation, les armes de pointe perdent en précision…

Toutefois à la différence de la Russie, l’Ukraine est réapprovisionnée en armes nouvelles par certains membres de l’Union européenne et les Etats-Unis. De son côté, Dimitri Medvedev continue de faire planer la menace de missiles hypersoniques promis par le chef du Kremlin depuis août. “On parle beaucoup d’armes dans ce conflit, plus que précédemment, remarque Stéphanie Lamy. Il y a un vrai mythe autour de l’objet.” Car derrière la guerre d’information se joue aussi la course à l’armement.

Léa Beaudufe-Hamelin et Juliette Pommier